Jean-Michel Atlan
1913 - 1960

Portrait de Jean-Michel Atlan par Brassaï

Un des représentants les plus personnels de l’abstraction lyrique d’après-guerre. Atlan, bien qu’appartenant à la génération précédente et tout en débutant avec ses cadets, est le précurseur de l’art informel avec Hartung, Schneider et Wols. D’une famille judéo-berbère, il arrive à Paris en 1930 pour y entreprendre des études de philosophie et obtient sa licence en 1933.

La guerre mobilise Atlan à Laval où il a été nommé professeur de philosophie au lycée. De 1940 à 1941, il enseigne au lycée Condorcet à Paris, poste qu’il quitte en raison des lois antisémites. L’installation avec sa femme Denise au 16, rue de la Grande-Chaumière, est déterminante pour lui. Au sein de ce quartier voué à la peinture naît sa vocation picturale. Parallèlement, il publie ses premiers poèmes. Ses deux activités sont étroitement liées pendant l’Occupation vécue par le couple comme un cauchemar. Entré dans la Résistance, il est arrêté en juin 1942 comme terroriste. Transféré du Dépôt à la prison de la Santé, Atlan simule la folie et parvient se faire interner à Sainte-Anne (1943). Il peint et écrit un recueil de poèmes, Le Sang profond, publié en novembre 1944, quelques mois après sa libération.

“ Univers magique des premiers âges où le végétal et le minéral se mêlent étroitement à un bestiaire issu des profondeurs de la terre et des forêts. Le dynamisme de ses lignes, allié au rythme qu’Atlan insuffle à sa peinture, donne à celle-ci une force incantatoire. ”

En décembre 1944 a lieu sa première exposition de peinture à la librairie-galerie de l’Arc-en-Ciel, rue de Sèvres. Le public l’accueille favorablement tout en découvrant avec étonnement une figuration de tendance expressionniste, peinte dans une matière épaisse d’où surgissent des figures et des oiseaux. L’année suivante, le Salon des surindépendants présente quatre toiles non figuratives, déjà représentatives de ses œuvres futures.

Février 1946, deuxième exposition à la galerie Denise René, suivie un an après d’une troisième à la galerie Maeght (préface Jacques Kober) qui réunit 27 toiles et publie conjointement Description d’un combat de Kafka, texte pour lequel Atlan a réalisé les lithographies chez Mourlot en 1946, exposées en novembre 1947 à l’Hôtel du Pont Royal, 7, rue Montalembert.

Phase de succès pour l’artiste qui expose également en groupe, chez Maeght en décembre 1946 « Le noir est une couleur », en 1947 dans la même galerie « Sur quatre murs », et galerie du Luxembourg « L’Imaginaire », organisé par Mathieu et préfacé par Jean-José Marchand.

1947, c’est aussi sa participation au deuxième Salon des réalités nouvelles.

De 1947 à 1956, Atlan connaît une période de purgatoire. Ayant besoin d’indépendance, il rompt avec Maeght. S’il n’a plus de marchand en France, il expose à l’étranger : en octobre 1948 à l’Art Club de Vienne (Autriche) puis en décembre au Salon Corner de Copenhague (préfaces M. Ragon).

En 1949, il expose en Allemagne, à Mannheim, galerie Egon Günther, et en Italie, galerie Sandri à Venise, seul (pastels, dessins).

La même année, il envoie sa première toile au Salon de mai où il exposera fidèlement jusqu’à sa mort (hommage en 1960). Malgré son succès et l’intérêt porté à sa peinture — Michel Ragon publie en 1951 le premier livre consacré à Atlan, L’Architecte et le Magicien —, celle-ci demeure équivoque. Un malentendu subsiste entre abstraits et Atlan. Clara Malraux dans un texte de 1946 souligne déjà ce clivage : « C’est à travers des moyens picturaux qu’Atlan veut nous atteindre. Mais ces moyens picturaux sont au service d’un monde intérieur hallucinant, obsédant, étrange et, cependant, communicable au point qu’il éveille en nous comme des réminiscences. C’est pourquoi il a une sorte de “matérialité” qui l’éloigne de l’univers de ceux que nous appelons les abstraits » (La Nef, Paris, mars 1946).

Malgré son retrait, ses prestations témoignent d’une intense activité créatrice. Les achats d’amateurs fidèles (Gertrude Stein et Jean Paulhan comptent parmi ses premiers clients) ne sont pas suffisants et c’est une période difficile pour Atlan et sa femme.

On le retrouve à la Biennale de Menton en 1951, 1953 et 1955.

À Liège en 1951 à l’Exposition internationale d’art expérimental. Connaît un succès grandissant au Japon dès 1953.

Expose en Israël (1953) et en Yougoslavie (1954).

Participe à la Biennale de São Paulo en 1955 et 1957.

Pour subsister, il vend de la bonneterie sur les marchés de banlieue, mais il peint avec passion. Il reste peu de tableaux de cette époque du fait de leur réutilisation par Atlan qui repeint dessus faute de toiles neuves, mais ce qui subsiste est de grande qualité. L’empâtement des premières œuvres a cédé progressivement la place à un graphisme simulant un monde floral, puis animal. Peints avec une âpreté violente, dans une palette restreinte, à base d’ocre, de jaune, de rouge et de noir, ces signes anthropomorphiques inscrivent leurs formes noires qui s’entrelacent en courbes tout en s’articulant sur des hérissements de piques. Univers magique des premiers âges où le végétal et le minéral se mêlent étroitement à un bestiaire issu des profondeurs de la terre et des forêts. Le dynamisme de ses lignes, allié au rythme qu’Atlan insuffle à sa peinture, donne à celle-ci une force incantatoire. Pendant ces années, l’atelier ne désemplit pas. Naturellement chaleureux, il attire écrivains (Marcel Arland, Clara Malraux, Jean Duvignaud) et artistes (Mathieu, Soulages…). Une convivialité régnait lors des fameux samedis où les conversations se prolongeaient tard dans la nuit.

Sans titre, 1959
Huile sur toile
100 x 100 cm
Diptyque vertical, 1959
Huile sur toile
108,5 x 81 cm

1955, invité à l’exposition annuelle « École de Paris » à la galerie Charpentier, il est chargé de l’exécution de l’affiche. Il expose de nouveau en 1956, 1957 et 1958.

S’amorce une période de regain marquée en novembre 1956 par l’inauguration à la galerie Bing de la première exposition particulière d’Atlan à Paris depuis 1947. La critique est partagée et perçoit mal son caractère novateur : « Sortant d’une retraite de quelques années, Atlan vient de reparaître […]. L’expression s’est élargie, le style s’est affermi », mais plus loin l’aveu de « la monotonie de ces peintures […] mais aussi leur monotonie interne » (Léon Degand, in Art d’aujourd’hui, 1956). Quant à R. V. Gindertaël, il ne cache pas son enthousiasme et souhaite « insister simplement sur l’action impressionnante des structures imaginaires qu’Atlan développe véhémentement » (Cimaise, novembre-décembre 1956).

Citons ses participations à la « Nouvelle École de Paris » à Tokyo en 1955 et 1957, aux expositions de la galerie Ariel à Paris, « Situation de la peinture d’aujourd’hui » en 1955, 1956 et 1957, celles de la galerie La Roue à Paris, « Éloge du petit format » en 1955 et 1956. 1956, à la galerie Arnaud, « L’Aventure de l’art abstrait », et à Marseille « Festival de l’art d’avant-garde ». 1957, galerie Le Gendre, Paris, « Expression et Non-Figuration », galerie Creuze, « Cinquante ans de peinture abstraite ». 1958, salon Comparaisons.

En 1957, les expositions particulières se succèdent : galerie Dupont à Lille, palais des Beaux-Arts à Bruxelles, puis musée d’Antibes (préface d’André Verdet). En 1958, exposition à la galerie Naviglio à Milan et exposition itinérante en Allemagne.

Atlan maîtrise parfaitement son art. Ses toiles apparaissent comme des emblèmes totémiques, animées d’un rythme qui donne toute sa force et toute sa grandeur à sa peinture. Depuis 1958, il vit et travaille surtout à Villiers-sur-Tholon (Yonne) où il a acheté une maison.

1959, exposition à la galerie Roux-Malaval à Lyon et à la Kaplan Gallery de Londres (préface de Georges Le Breton), et à la fin de l’année de nouveau galerie Bing. La galerie lui rendra hommage en 1965 (catalogue Waldemar George).

Atlan meurt dans son atelier parisien le 12 février 1960. Au mois de mars, est inaugurée à la Contemporaries Gallery de New York son exposition où sont présentées ses dernières toiles, préfacée par Clara Malraux : « Hommage à Jean-Michel Atlan », Cimaise, avril-juin 1960.

1963, rétrospective au Musée national d’art moderne, Paris. Catalogue.

1980 : « Atlan, œuvres des collections publiques françaises ». Centre Georges Pompidou, Paris. Catalogue avec propos d’Atlan suivi du catalogue des estampes et livres illustrés. Biographie.

1986 : « Atlan, premières périodes 1940-1954 ». Musée des Beaux-Arts de Nantes. Catalogue. Réédité en 1989.

1989 : « Atlan ». Galerie Enrico Navarra, Paris. Catalogue, poème Michel Butor.

Musées d’Antibes, Grenoble, Lille, Lyon, Paris : Centre Georges Pompidou, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Tate Gallery de Londres, Cologne, New York, musée d’Art moderne de Tokyo, Haïfa, Stuttgart.

  • André Verdet, Atlan. Musée de Poche, 1957.
  • Michel Ragon et André Verdet, Jean Atlan. Éditions Kister, Genève. Col. « Les Grands Peintres », 1960.
  • Michel Ragon, Atlan. Musée de Poche, Éditions Georges Fall, 1962.
  • Bernard Dorival, Atlan, essai de biographie artistique. Éditions P. Tisné, 1962. Réédité.
  • Michel Ragon, Atlan, mon ami. Éditions Galilée, Paris, 1989.
  • Jacques Polieri et Kenneth White, Atlan, catalogue raisonné de l’œuvre complet. Éditions Gallimard, Milan, 1996.

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