Asger Jorn
1914 - 1973

Asger Jorn, Albisola par Henny Riemens, 1954
Vient une première fois à Paris où il arrive en moto en 1936. Ayant eu connaissance de l’œuvre de Kandinsky par la revue Linien à Copenhague, il constate amèrement que son grand aîné n’a pas d’élèves et est inconnu dans la capitale. Il fréquente l’atelier de F. Léger. En mai 1937, il réalise avec Grekoff et Pierre Wemaëre, auquel va le lier une grande amitié, la commande faite à son maître d’une importante peinture illustrant le Transport des forces pour le palais de Tokyo. Par ailleurs, il assiste Le Corbusier pour la décoration du pavillon des Temps nouveaux de l’Exposition universelle. De retour au Danemark, il reste à Copenhague pendant la guerre. Il est alors le principal instigateur de la revue Helhesten (Cheval d’enfer) de 1941 à 1944 qui porte fortement son empreinte (rédige de nombreux articles sur l’archéologie et l’ethnologie dont l’intérêt accompagnera son œuvre plastique). Préfiguration du mouvement Cobra dont il est « l’âme », l’un des animateurs les plus influents du groupe et de la revue. Dès 1945, il souhaite organiser une activité artistique internationale, collective et expérimentale. Change son nom en Jorn. 1946, Jorn est de nouveau à Paris. Il se lie avec Atlan lors de ses réunions du samedi dans son atelier de la rue de la Grande Chaumière où le Danois fait la connaissance de Noël Arnaud, Constant, Édouard Jaguer. Insaisissable, Jorn est en perpétuels déplacements. Les rencontres et les échanges sont prolixes, étroitement liés aux idées et engagements politiques, aussi aux résurgences surréalistes, le tout éclaté dans des foyers d’activités multiples d’où Cobra tire son origine. Tout en ayant eu quelques répercussions sur certains peintres, français ou non vivant à Paris, et dont il est fait mention dans ce livre, nous ne pouvons évoquer dans le détail l’historique de ce mouvement qui échappe au propos de cet ouvrage. (Se reporter au catalogue de l’exposition Cobra, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1982-1983, puis à la Maison de la culture de Chalon-sur-Saône et au musée de Rennes 1983.)

“ Mouvement de révolte, en rupture avec tout ce qui précédait, il se fonde sur un primitivisme lié à un répertoire de formes représentatif d’un fonds humain universel, d’où les références folkloriques, les mythes nationaux, traduits dans un langage plastique populaire faisant écho aux dessins d’enfants. ”

Il est important de rappeler cependant que c’est à Paris, en date du 8 novembre 1948, que fut signée par Jorn, Constant, Corneille, Appel, Joseph Noiret, la déclaration rédigée par Dotremont et intitulée « La cause était entendue », considérée comme l’acte fondateur de Cobra. La réunion eut lieu dans l’arrière-salle du café-hôtel Notre-Dame, à l’angle de la rue Saint-Jacques et du quai Saint-Michel. Le groupe, qui fut rejoint par bien d’autres artistes danois, belges (dont Alechinsky) et néerlandais, d’où le sigle Cobra (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam), devait se disperser en 1951, date de parution du septième et dernier numéro de la revue. Mouvement de révolte, en rupture avec tout ce qui précédait, il se fonde sur un primitivisme lié à un répertoire de formes représentatif d’un fonds humain universel, d’où les références folkloriques, les mythes nationaux, traduits dans un langage plastique populaire faisant écho aux dessins d’enfants. Il ne faut pas négliger dans le contexte essentiellement parisien les expositions collectives connues comme celle de la galerie Maeght, « Les mains éblouies », ou bien chez Colette Allendy, auxquelles participent certains Cobra, notamment Appel, Corneille, Dotremont, Constant, Alechinsky, et qui préfigurent leur intégration dans ce qui fut baptisé à l’époque l’École de Paris. Par un phénomène de balancier, ils facilitèrent la connaissance de ce mouvement tout en acquérant personnellement dans la capitale une réputation qui, après 1951, les verra poursuivre individuellement leur route.

En ce qui concerne Jorn, nous n’évoquerons que ses séjours parisiens. Créateur aux multiples facettes, également écrivain, sociologue, architecte, expérimentateur, c’est à Paris qu’a lieu sa première exposition en 1948 à la galerie Breteau. Ce sont des toiles qui offrent de grandes figures très en matière, mais aussi dans un étrange amalgame de formes complexes de petites têtes au milieu des spirales anthropomorphes. Évocations d’affrontements peints avec fougue, dans un expressionnisme rappelant à la fois Picasso mais aussi Miró. Par la suite Jorn se liera avec Dubuffet.

Sans titre, 1951 - 1952
Huile sur masonite
61 x 75 cm
Figurkomposition, 1943
Huile sur toile
100 x 73 cm

1951, Michel Ragon qui devient le rédacteur français du groupe, organise et présente la première exposition Cobra à Paris, Librairie-galerie 73, boulevard Saint-Michel.

La même année, il préface l’exposition « Cinq peintres Cobra » (Appel, Balej, Corneille, Jacobsen, Jorn).

De nouveau en 1961, il préfacera l’exposition « Cobra dix ans après », galerie Mathias Fels, Paris. Ce bestiaire personnel parfois identifié avec celui de la mythologie scandinave (comme son Aganask, hybride du crocodile et du scarabée) apparaît dans son livre La Roue de la fortune (traduit du danois par sa femme Matie et M. Ragon). On y retrouve le répertoire des cultes étudiés à partir des cornes d’or danoises soulignant la permanence de ces mythes dans les cultures populaires dont les expressions peuvent être issues des mêmes origines. Pour Jorn qui ne vit que pour son art, sans chercher à en tirer profit, ni à se faire connaître, l’indifférence du milieu artistique, liée à une misère qui le fait particulièrement souffrir à cette époque, le forcent à quitter Paris pour un sanatorium en Suisse en 1953.

Plus tard, il vit entre la capitale, la Suisse et Albissola. Période des Modifications, destructions de tableaux sous forme de collages.

La galerie Rive Gauche lui consacre une exposition avec 47 toiles et un catalogue illustré comportant des textes d’Yvon Taillandier, René Bertelé et un poème de Jacques Prévert. Œuvres rageuses, témoins d’un pinceau exalté à décliner très vite les fantasmes d’un Jorn visionnaire, ivre d’images et de couleurs issues d’un univers où tout s’inverse : métamorphoses des paysages qui se muent en personnages et inversement. Une explosion dans le bonheur de peindre. Peintre « gestuel » avant l’institution officielle de l’Action Painting.

1987, rétrospective. Lenbachlaus Munich. Catalogue.

Fondation Jorn, Silkeborg.

Musées : Aalborg, Amsterdam, Bruxelles, Göteborg, La Haye, Boston, New York, Pittsburgh, Stockholm.

  • Guy Atkins, Catalogue raisonné peintures 1930-1973. Éditions Borgen, 5 vol. 1968-1986.

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